SESSION PUBLIQUE JUILLET 2019

Vœu de M. Bernard BAGNERIS Conseiller départemental du canton de Castanet-Tolosan M. Arnaud SIMION Conseiller départemental du canton de Toulouse 7 et les membres du Groupe Socialiste, Radical et Progressiste

Objet : Maintien et généralisation des Contrats Jeunes Majeurs

La protection de l’enfance est sortie depuis peu de l’angle mort des politiques dans lequel elle était enfermée.

Les services du Conseil départemental de la Haute-Garonne sont fortement mobilisés au quotidien et, en tant que chef de file des solidarités humaines et territoriales, notre collectivité consacre 168,54 millions d’euros à la protection de l’enfance en 2019.

Pour autant, la politique publique de protection de l’enfance ne peut être conduite par la seule collectivité départementale ; de même elle ne peut se résumer à la seule politique d’aide sociale à l’enfance. La protection de l’enfance nécessite la mobilisation de toutes les actrices et tous les acteurs publics dans tous les champs afférents : santé, sports, loisirs, culture, logement, etc. Cette interdisciplinarité est d’ailleurs tout le sens de la loi du 14 mars 2016 portée par Madame Laurence ROSSIGNOL.

La nomination d’un secrétaire d’État à la protection de l’enfance, Monsieur Adrien TAQUET et la proposition de loi dite « BOURGUIGNON » visant à renforcer l’accompagnement des jeunes majeurs vulnérables vers l’autonomie, ont suscité beaucoup d’espoir. Au sein de l’Assemblée des Départements de France, nombreuses et nombreux étaient celles et ceux qui soutenaient dans sa version initiale cette proposition de loi en ce qu’elle demandait la généralisation des contrats jeunes majeurs, dispositif d’accompagnement vers l’autonomie des jeunes sortants à 18 ans de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE). La Haute-Garonne fait d’ailleurs partie des quelques départements proposant des contrats jeunes majeurs pour une prise en charge jusqu’à 21 ans et parfois au-delà, y compris pour les mineurs non accompagnés sortant de l’ASE. Notre collectivité suit, en 2019, 743 contrats jeunes majeurs, dont 409 concernent des ex-mineurs non accompagnés.

Pourtant aujourd’hui et à la suite du vote des élues et élus de la majorité à l’Assemblée Nationale, les associations œuvrant à l’accueil des jeunes migrants sont inquiètes face à la possible remise en cause de ce dispositif Contrat Jeune Majeur par un nouveau texte de loi (texte 262) adopté en première lecture à l’Assemblée Nationale le 7 mai dernier.

En effet, la version du texte adoptée ne rend pas obligatoire le Contrat Jeune Majeur et crée un nouveau « contrat d’accès à l’autonomie » aux conditions d’accès restrictives posant, par principe, des critères discriminants. Il s’agirait désormais de subordonner les contrats à la condition que les demandeurs aient été pris en charge par les services de l’ASE « pendant au moins 18 mois cumulés dans les 24 mois précédant » leur majorité.

Ce critère exclut de droit les mineurs placés tardivement à l’ASE. Or, selon l’Institut National d’Etudes Démographiques et son étude sur l’accès des jeunes à l’autonomie, 44% des bénéficiaires d’un Contrat Jeune Majeur en 2013 ont été placés à 16 ans ou plus sous la protection des services de l’ASE (69% parmi les Mineurs Non Accompagnés, 31% parmi les non Mineurs Non Accompagnés). Cette situation est souvent un effet de la longueur de la procédure de reconnaissance de minorité (parfois jusqu’à un an d’attente).

En outre, il est vérifiable que les contrats jeunes majeurs fonctionnent. En effet, si les statistiques ministérielles indiquent que 70 % des jeunes sortant de l’ASE, à l’échelle nationale, n’ont aucun diplôme, ce chiffre tombe à 47% en Haute-Garonne, signifiant ainsi que 53% des jeunes sont sortis de l’ASE en obtenant un diplôme ou une qualification.

Ce chiffre est issu d’une étude sur la situation des jeunes majeurs à leur sortie de l’ASE en 2019 sur le territoire haut-garonnais, menée par l’Observatoire Départemental de la Protection de l’Enfance de Haute-Garonne.

Cette étude montre également que sur les 132 jeunes majeurs sortis de l’ASE (dont 111 étaient des ex-MNA) :

– 74,2 % avaient une solution d’hébergement à leur sortie

– 80,2 % ont accédé à une formation pendant la durée de leur contrat jeune majeur et s’y sont tenus

– 58 % ont accédé à un emploi à leur sortie du dispositif.

La politique publique que porte notre collectivité et visant au maintien de l’accompagnement des jeunes majeurs porte donc ses fruits. Et c’est dans ce même esprit d’accompagnement que notre Assemblée a voté le 16 avril 2019 un rapport portant sur une nouvelle ambition pour les jeunesses haut-garonnaises qui soutient notamment le droit à l’expérimentation des jeunes et aussi le droit à l’erreur. En regard, la proposition de loi BOURGUIGNON pourrait même aller plus loin dans son caractère novateur et donner aux jeunes qui souhaiteraient sortir de l’ASE un droit au retour, laissant ainsi une porte ouverte à l’expérimentation.

Enfin, si les contrats jeunes majeurs étaient supprimés, qu’en serait-il, d’un point de vue budgétaire pour les Conseils départementaux qui souhaiteraient poursuivre ce dispositif par une politique volontariste locale ? Car le coût des contrats jeunes majeurs pour notre collectivité s’élève en 2018 à 23 011 061,29 € quand l’Etat propose d’allouer annuellement au Conseil départemental 243 000 € pour participer à l’accompagnement des jeunes majeurs, dans le cadre de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté dont la Haute-Garonne est territoire démonstrateur.

Pour toutes ces raisons, le Conseil départemental de la Haute-Garonne se prononce contre la création d’un « contrat d’accès à l’autonomie » tel que défini dans la proposition de la loi BOURGUIGNON et demande le maintien et la généralisation des contrats jeunes majeurs.

Rapporteur A SIMION, Conseiller Départemental de Toulouse 7