Session Extraordinaire Contribution Grand Débat
DÉMOCRATIE ET CITOYENNETÉ
Redonner la parole aux citoyens pour ré-enchanter la pratique démocratique
Le dialogue paraît en lui-même constituer une renonciation à l’agressivité. Jacques Lacan
Le dialogue citoyen contribue à ranimer et à vivifier une parole à la fois individuelle et collective et en cela, il constitue un élément essentiel de vitalité démocratique et de lutte contre les populismes. À l’heure où nos valeurs républicaines sont durement touchées et mises à l’épreuve, il faut donner toute sa place à la démocratie participative en mettant le dialogue citoyen au cœur de l’action publique.
Après les élections départementales de 2015 où la demande de proximité n’a jamais été aussi manifeste et l’abstention toujours plus forte, parler et faire vivre la proximité, le dialogue et la concertation se sont imposés comme une urgence pour le Conseil départemental qui s’est lancé un défi : une participation citoyenne plus active et une démocratie plus participative en Haute-Garonne.
Le Département s’est donc fait le creuset d’expérimentations en la matière : il a déployé plusieurs démarches de participation citoyenne adaptées à des enjeux ciblés et permettant de toucher tous les habitants, quels que soient leur âge et leur situation sociale ou géographique. A cette fin, il a créé une délégation au Dialogue citoyen et une mission Démocratie participative chargée d’accompagner les services dans la définition et la mise en œuvre des projets concertés. Les élus départementaux ont ensuite adopté en 2017 une Charte du Dialogue citoyen, véritable boussole de l’action départementale, qui entérine les méthodes et les objectifs de la concertation et permet d’affirmer le dialogue citoyen comme mode d’action privilégié de la collectivité. Concrètement, faire de la politique avec les citoyens, c’est faire en sorte que ceux-ci deviennent de véritables acteurs du service public.
Le Conseil départemental s’est donc assigné un triple objectif :
• Permettre la rencontre et le dialogue élu-citoyen ;
• Articuler expertise d’usage, expertise technique et légitimité politique : c’est ce que nous appelons la fertilisation croisée ;
• Améliorer le service public par la participation des habitants et/ou des usagers comme parties prenantes de l’action publique locale.
Nous le savons, s’engager dans une démarche de dialogue citoyen, c’est prendre le risque de la rencontre, de l’échange, du débat, voire du conflit.
S’engager dans une démarche de dialogue citoyen, c’est encore se poser la question de la représentativité. Depuis les années 1970, 1 à 2% des habitants participent à des processus de concertation. Au lieu de rechercher la quantité, nous nous sommes attachés à associer des personnes, reflets de la diversité des publics et des territoires, et à mettre en œuvre différents canaux de récolte de la parole citoyenne. C’est notamment la raison qui nous a poussés à expérimenter le tirage au sort dans le cadre de la concertation sur la politique culturelle.
Enfin, nous veillons à ce que les contributions des citoyens deviennent, par le dialogue, des propositions collectives au service de l’intérêt général et ne se contentent pas d’être une simple juxtaposition d’avis individuels. Ce processus demande du temps, il est exigeant, tant pour les élus que pour l’administration.
Grâce à cette approche du dialogue citoyen, depuis bientôt 4 ans, les politiques publiques départementales sont assises sur des bases innovantes, solides et efficaces qui permettent d’agir dans le sens des priorités que les Haut-garonnais ont contribué à définir. Ce que les Haut-garonnais nous ont dit est venu profondément modifier nos manières de penser et de mettre en œuvre nos politiques publiques, nos projets.
Nous avons aussi appris à mieux les connaître et, à l’heure de prendre les décisions qui engagent l’avenir du territoire, nous avons désormais en tête les visages, les voix et les paroles de ces habitants venus nous parler de leurs attentes pour le collège de leurs enfants, de leurs idées concrètes pour favoriser l’insertion des allocataires du RSA ou l’inclusion des seniors et des personnes en situation de handicap, ou encore de leurs besoins en matière de mobilité.
En Haute-Garonne, le dialogue citoyen s’est véritablement imposé comme une nouvelle manière de concevoir l’action publique et de mieux l’expliciter à ceux qui en sont les bénéficiaires. Fort de ce bilan très positif, la volonté du Conseil départemental est aujourd’hui de générer une véritable dynamique de participation citoyenne à toutes les échelles du territoire haut-garonnais. Parce que nous sommes convaincus que faire vivre le dialogue citoyen constitue un véritable enjeu de société, nous nous engageons pour diffuser cette culture de la démocratie participative partout en Haute-Garonne, en mettant au service des communes, des intercommunalités et des acteurs locaux des espaces de formation, de valorisation, d’échanges et d’animation de réseaux au niveau de la Haute-Garonne.
Dans ce même esprit, nous avons initié les Rencontres du Dialogue citoyen, conçues comme des rendez-vous donnés aux acteurs de la démocratie participative du département (habitants, élus, associatifs) et qui sont devenues des temps privilégiés d’échanges et de réflexion sur les enjeux et les modalités de la démocratie participative. Le Conseil départemental a également mis en place un Fonds de soutien à la démocratie participative qui lui permet d’accompagner les initiatives portées par d’autres acteurs de la Haute-Garonne (communes de moins de 10 000 habitants, communautés de communes et associations) afin que la démarche se diffuse à toutes les échelles du territoire.
Les Hauts-garonnais, les élus des territoires, ainsi que les acteurs associatifs et institutionnels font ainsi vivre aux côtés du Département ce nouveau paradigme de l’action publique départementale. Cette dynamique enclenchée sur le terrain instaure une véritable relation de proximité qui permet progressivement de retisser le lien de confiance avec les habitants. Afin de conforter ce lien, dans un contexte de défiance généralisée à l’égard des responsables politiques, la création d’un véritable statut de l’élu pourrait prendre tout son sens en permettant aux élus d’exercer leurs fonctions dans de meilleures conditions tout en leur imposant des obligations de nature à donner de nouveaux gages de probité aux citoyens. Ce statut de l’élu est défendu par le Conseil départemental de la Haute-Garonne comme un facteur susceptible de revitaliser la démocratie locale.
Une attention particulière portée à la parole des jeunes haut-garonnais
Pour construire la société de demain, écouter et prendre en considération la parole des jeunes qui en seront les premiers acteurs est fondamental. La faible participation de la jeunesse aux réunions organisées dans le cadre du grand débat national est, à cet égard, particulièrement dommageable.
La facilité serait de présenter la jeunesse comme « désengagée », une jeunesse présumée désinvestie, égoïste, individualiste. Or, ces poncifs sont très éloignés de la réalité. Si la jeunesse affiche une défiance à l’égard du politique, ce qui ne doit pas manquer de nous interpeller, différentes études démontrent au contraire que la nouvelle génération s’engage mais autrement : en créant sa propre association, en développant un projet dans son quartier ou un projet dans l’économie sociale et solidaire.
La jeunesse a toujours à cœur de défendre des valeurs en s’investissant dans le bénévolat, ou dans le cadre de missions de service civique. Un engagement qui passe aussi aujourd’hui par le numérique, via la signature de pétitions, l’organisation d’évènements, ou encore la création de blogs engagés.
Dès 2017, le Conseil départemental s’est emparé de ce sujet en réalisant une enquête auprès de plus de 1200 jeunes de 11 à 29 ans dans 182 communes du département, afin de connaître leurs centres d’intérêts, leurs attentes, leurs aspirations ainsi que les valeurs qui les animent. Les résultats de ce « Baromètre des jeunesses en Haute-Garonne » laissent apparaître que si la politique n’est pas au rendez-vous de l’engagement des jeunesses, l’associatif et l’humanitaire sont pour eux des thèmes porteurs (78 % des jeunes interrogés se disant prêts à s’engager dans des domaines privilégiés comme l’environnement ou la solidarité). Autre enseignement, s’ils sont prêts à s’engager, c’est sous des formes particulières : les rencontres débats, les événements ou les manifestations. Cet élan participatif de la jeunesse va de pair avec une vision plus optimiste de l’avenir, pour 61 % des jeunes interrogés contre 45 % pour les adultes. Le désir d’engagement et l’espoir en l’avenir sont donc bien là, et les jeunes sont loin d’avoir déserté le terrain de l’action collective.
Forts de ces constats, nous avons souhaité porter une attention toute particulière à la parole des jeunes en imaginant des cadres et des outils adaptés permettant de les toucher directement et de leur laisser toute latitude pour s’exprimer.
Dans le cadre du dialogue citoyen, les élus départementaux sont allés durant plusieurs mois à la rencontre des jeunes partout sur le territoire, afin de mieux comprendre les attentes et les besoins d’une jeunesse haut-garonnaise envisagée comme plurielle, dans la diversité des réalités sociales et territoriales qui la compose. 2000 jeunes ont ainsi participé à 31 rencontres avec des élus et des partenaires de l’éducation populaire. Plus de 1000 autres ont pu faire valoir leur avis par le biais d’un questionnaire diffusé notamment via les réseaux sociaux.
Collégiens, lycéens, étudiants, apprentis ou encore jeunes actifs ont pu exprimer leurs attentes et nous avons entendu 4 grands défis à relever ensemble :
• soutenir les initiatives, les projets et encourager les engagements citoyens, • favoriser l’autonomie et l’indépendance,
• se projeter dans l’avenir (projets de vie, études, profession),
•favoriser le bien être au quotidien (confiance en soir, stress, alimentation, environnement, cadre de vie, amis, famille).
Aboutissement de cette démarche de concertation citoyenne, le 1er Forum des jeunesses haut-garonnaises s’est déroulé le 6 février dernier au Conseil départemental, réunissant plus de 300 jeunes afin deconstruire avec euxlefutur plan d’actions 2019-2021 « Une ambition pour la jeunesse » comportant des réponses concrètes aux 4 défis qui nous ont été lancés. Au cours de cette journée, une dizaine d’ateliers (plateau radio, théâtre forum, tables rondes, graff, photo-langage, espaces de libre échange, vidéomathon, rencontre avec les conseillers départementaux) ont été organisés pour favoriser les échanges et libérer la parole des jeunes.
Avec un habitant sur quatre âgé de 10 à 30 ans, la Haute-Garonne est le département le plus jeune de la Région Occitanie. C’est la raison pour laquelle le Conseil départemental porte l’ambition de développer une véritable stratégie transversale qui réponde aux attentes réelles des jeunes et de passer d’une logique d’encadrement, avec des dispositifs faits pour la jeunesse, à une logique d’accompagnement, où les jeunes deviennent des acteurs. En co-construisant un plan d’actions avec les jeunes haut-garonnais, nous souhaitons leur donner les moyens de leur épanouissement, de leur autonomie et de leur réussite.
Depuis maintenant 4 ans, des Haut-garonnais et des Haut-garonnaises nous ont fait part de leurs rêves, de leurs colères, de leurs indignations, de leurs aspirations et de leurs besoins. Nous avons déjà, s’agissant des politiques publiques départementales, pris en compte nombre de ces idées et propositions pour concevoir nos actions et nos projets. Nous souhaitons aujourd’hui, dans le cadre du grand débat national, mettre à disposition du Président de la République et du Gouvernement l’ensemble des contributions recueillies à l’occasion des démarches de concertation citoyenne engagées par le Conseil départemental depuis 2015.
Rapporteur Paulette SALLES, conseillère générale du Canton de Toulouse 5