Session Extraordinaire Contribution Grand Débat du Conseil Départemental de la Haute-Garonne
Contribution du Conseil départemental de la Haute-Garonne au Grand débat national
Mesdames, Messieurs,
Nous vivons dans une société de grandes mutations. Les bouleversements imposés par la mondialisation creusent les inégalités aussi bien entre les hommes qu’entre les territoires. Les fractures sociales s’accentuent entre les Métropoles et le monde péri-urbain et rural, et frappent également au cœur des territoires urbains.
Les mouvements sociaux qui traversent notre pays depuis plusieurs semaines témoignent de ces disparités et de l’inquiétude croissante de nombre de nos concitoyens qui se sentent abandonnés et relégués au cœur de notre République.
Aujourd’hui, la perte de repères, l’abandon de valeurs, le délitement du lien social, nous posent une première interrogation : « Dans quel monde vivons-nous ? ».
Notre constat est que ce monde est celui de la pensée unique, du tout marché, de la société néolibérale mondialisée, avec :
• La marchandisation de tous les actes humains,
• L’ubérisation des rapports sociaux, l’exclusion en masse des laissés pour compte, montrant toute l’injustice et l’inhumanité de ce temps,
• La course aux dividendes immédiats qui assoie le triomphe de la cupidité,
• Le « toujours plus » de cette société qui génère le cauchemar environnemental avec les pollutions, les atteintes à la biodiversité, le bouleversement climatique irréversible qui compromet l’avenir des générations qui viennent,
• Les atteintes à la République et la dérive vers une simple démocratie à l’anglo-saxonne, fondée sur le libéralisme débridé et le communautarisme identitaire,
• Le déni de démocratie des élites néolibérales, les agences de notation et la technocratie étant les vrais gestionnaires des États,
• Les dérives populistes qui progressent en se nourrissant des craintes, des peurs, des haines, de l’ignorance, de la xénophobie, du racisme, de l’homophobie, de l’antisémitisme mettant en péril la démocratie,
• Le repli individualiste qui génère l’isolement, la solitude, l’atomisation sociale anxiogène, fondant le terreau du despotisme,
• L’entre soi, les avancées du communautarisme identitaire qui fondent la différence des droits, mais aussi des dérives de radicalisation,
• Le désert de sens idéologique de notre société caractérisé par les théories fallacieuses du premier de cordée ou du ruissellement.
Le logiciel néolibéral nous entraîne vers des abîmes périlleux. L’accumulation du profit immédiat par une stricte minorité a pris le pouvoir dans nos vies.
La révolte des gilets jaunes, nourrie par un sentiment d’abandon, d’oubli, de mépris, par le ras le bol du mal-être, de la désespérance des fins de mois, de la précarité malgré un accès au travail, cette révolte du « trop c’est trop » illustre les insuffisances du tout marché de l’économie néo-libérale mondialisée. Conseil départemental Rapport du Président CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA HAUTE-GARONNE LE DIRECTEUR GENERAL DES SERVICES 2 Face à ces constats, il nous appartient de répondre à une seconde interrogation : « Quel est l’avenir souhaitable ? ».
Au Conseil départemental, notre volonté est de porter une véritable vision pour l’avenir du territoire, une vision fondée sur le pacte républicain et les valeurs de solidarité. Et nous pensons que :
• Le nouveau monde ne doit pas se fonder sur l’improbable ruissellement, mais sur le vrai partage.
• Le nouveau monde ne doit pas voir le premier de cordée couper la corde pour aller plus vite seul, mais doit assumer d’aller plus loin ensemble.
• Le nouveau monde ne doit pas se fonder sur la condescendance de certains, mais sur le respect mutuel et l’équité.
• Le nouveau monde ne doit pas se fonder sur l’individualisme, la cupidité et l’exclusion mais sur la rencontre, la solidarité et l’altruisme.
• Le nouveau monde ne doit pas se fonder sur la course aux dividendes, mais sur l’humain d’abord.
• Le nouveau monde ne doit pas se fonder sur une démarche technocratique hors sol, mais sur une démarche démocratique participative.
Dans notre société en crise, l’avenir souhaitable n’est pas la fuite en avant dans le « tout marché » de l’économie néolibérale mondialisée, faite de compétition, de solitude, d’exploitation, de violence, dont nous voyons les effets aujourd’hui : le mal vivre et la désespérance de nos concitoyens, les laissés pour compte de la France périphérique, les ghettoïsés des quartiers de nos villes, plus généralement les exclus, les marginalisés, les perdants de la mondialisation qui se voudrait heureuse.
L’avenir souhaitable demeure, dans la rencontre, le partage, le lien, l’empathie, la solidarité, la responsabilité avec une priorité donnée à l’humain dans le défi social et sociétal et une priorité donnée au vivant dans le défi environnemental.
Il est temps de mettre l’humain au centre du projet. Il est temps de construire des ponts entre les humains et non des murs.
Il est temps de faire société ensemble et non les uns contre les autres.
Expression d’un besoin accru de démocratie, d’écoute, de proximité et de solidarité, le mouvement des gilets jaunes a déjà fait émerger des revendications autour de la question du pouvoir d’achat, du mieux vivre, de la nécessité de pouvoir vivre de son travail, du maintien des services publics au cœur des territoires et d’une demande prégnante de démocratie participative. Dans ce contexte inédit, le Président de la République a décidé d’organiser sur l’ensemble du territoire un grand débat national pour recueillir l’avis et les propositions des Français.
Collectivité de proximité par excellence dans un département marqué par de forts contrastes entre territoires urbains, péri-urbains et ruraux, le Conseil départemental de la Haute-Garonne connaît la réalité quotidienne des habitants de chacun des bassins de vie qui le compose. La démarche de dialogue citoyen qu’il a engagée lui permet depuis 2015 de recueillir les ressentis, les cris de colère et de désespérance, mais aussi les aspirations des habitants du territoire. Le défi de l’équilibre et de la cohésion territoriale étant au cœur de sa mission, il se mobilise en proposant des politiques publiques porteuses de solutions innovantes, adaptées aux enjeux locaux et qui tiennent compte de la parole citoyenne.
A ce titre, il souhaite apporter sa contribution au grand débat national par une série de réflexions et de propositions directement inspirées des quatre années d’action de l’Assemblée départementale en Haute-Garonne.
Georges MERIC, Président du Conseil Départemental de la Haute-Garonne